Réflexions sur les clauses de stabilisation et d'intangibilité dans les contrats d'investissement internationaux et sur l'utilité pratique de l'arbitrage et de la médiation dans le contexte actuel du commerce avec l'Afrique subsaharienne.
09/08/2023
La presse occidentale appelle "djihadistes" des groupes de bandits armés qui font peser une menace sur les plus musulmans des africains, les coups d'Etats en cours et multiples "transitions" rendent le monde du commerce encore plus aléatoire que jamais.
Dernier soubresaut en date : la convention fiscale bilatérale négociée entre la « Haute Volta » et la France en 1965[1] a été dénoncé par le président de la République du Faso lequel dénonce le refus français de renégociation...
Pourtant des relations bilatérales plus fluides entre deux pays traditionnellement liés ont régulièrement été revues comme en 2009 pour favoriser les migrations et installations d’étudiants[2]…
Fort de cette détermination pour réformer et revoir les partenariats anciens et de se tourner vers des interlocuteurs « nouveaux » en matière commerciale, les autorités burkinabè ont dénoncé lundi la convention fiscale de non double imposition, qui a été signée le 11 août 1965 entre le Burkina Faso et la France et est entrée en vigueur le 15 février 1967.
Selon le quotidien SIDWAYA, dans une correspondance adressée au ministère français des Affaires étrangères, le ministère burkinabè des Affaires étrangères a expliqué que cette dénonciation était la conséquence du refus de la partie française de renégocier ladite convention.
Le ministère burkinabè a déclaré avoir saisi, sans obtenir gain de cause, l'ambassade de France à Ouagadougou d'une proposition de renégociation de la convention fiscale de non double imposition en janvier 2020 pour qu'elle s'adapte aux évolutions des dispositifs fiscaux aux niveaux interne, communautaire et internationale.
La partie française étant demeurée "silencieuse" face à cette requête, malgré la relance faite par la partie burkinabè à la fin de l'année 2021, le gouvernement de transition du Burkina Faso "n'a d'autre choix que de mettre fin à la convention[3]".
Et d’autres pays risquent de revoir leurs codes d’investissements et conventions fiscales dans la sous-région augmentant ainsi la notion de risque à l’exportation.
Pourtant ces textes anciens pourraient être dépoussiérés pour tenir compte de nouvelles législations africaines dont il n’est pas certain que l’ensemble des ressources aient été exploitées[4].
Le Professeur WEIL était très clair sur l’exposé du « risque pays » et sur l’intérêt des clauses de stabilisation et d’intangibilité[5].
La notion de Risque, risque économique ou risque politique est pour l'investisseur potentiel un problème clé, en particulier dans les secteurs qui nécessitent des investissements importants et donc des apports de capitaux pour des montants élevés et des durées longues.
Il existe des interrogations pratiques concernant les garanties accordées aux investisseurs.
Ces questions relèvent de choix politiques et de relations entre Etats.
La décision de Madagascar d'indemniser des entreprises Françaises nationalisées au moment de la révolution nationale peut illustrer les flux qui peuvent exister dans les relations diplomatiques entre une puissance ancienne et un Etat émergeant.
Dans un contexte de concurrence globalisée entre les économies des différents Etats du monde, nous nous sommes interrogés sur ce qu'a été la politique de la France en matière d'investissements à l'étranger et sur la nécessité de dépasser ce cadre.
L'investisseur qui s'engage pour de nombreuses années, doit prendre en considération le contexte politique et institutionnel du pays où il va décider une implantation et évaluer les perspectives d'évolution qui pourraient remettre en cause les conditions de son investissement.
L'accord relatif aux aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) impose aux pays en voie de développement des obligations en matière de défense et donc de respect des droits de propriété intellectuelle produisant des effets sur leurs territoires.
Cet accord peut avoir des effets dynamisants sur la pratique des transferts de technologie en direction des pays dits en voie de développement qui pourraient aujourd’hui être considérés comme « en vie d’émancipation ».
Il est admis que les investissements connexes aux opérations de transfert n'ont généralement lieu que lorsque l'investisseur concerné a des chances d'exploiter sa technologie dans le pays hôte ou qu'il est à tout le moins protégé contre un gel de la technologie transférée par l'Etat d'accueil.
Le risque de confiscation est celui qui vient sans doute en tête des préoccupations des opérateurs. L'expérience tendrait toutefois à montrer que ce type d'action par essence spectaculaire et politique est relativement peu répandu par comparaison notamment à d'autres formes de restrictions plus insidieuses réglementation des transferts, conditions particulières imposées au fonctionnement des établissements contrôlés par des intérêts étrangers mais, qui peuvent à la longue nuire gravement à l'investisseur.
Ces mesures susceptibles d'empêcher ou d'atténuer la rentabilité des investissements sont nombreuses, on peut citer notamment : les interdictions d'importer, les barrières douanières, les barrières non tarifaires, les régimes dissuadant la création de co-entreprises, les dédales administratifs, les restrictions à l'embauche de spécialistes étrangers...
L'accord sur les mesures concernant les investissements et liées au commerce (MIC) devrait avoir un double effet propre à favoriser le transfert de technologie en direction des pays émergents.
La pratique montre que les investisseurs ont intérêt à négocier leur contrat avec l'Etat d'accueil.
Ils doivent faire une sélection dans la législation locale de ce qui est positif et traduire un équilibre contractuel par une négociation.
Cela peut aboutir à des clauses comme celle de l'entreprise la plus favorisée, ou des stipulations concernant les droits de douane, le rapatriement des bénéfices ou de respect des droits de propriété industrielle incorporés dans la technologie transférée...
La clause de stabilisation est celle par laquelle un État s'engage à ne pas nationaliser le bien investi.
La clause d'intangibilité gèle la législation sur l'investissement assurant une stabilité législative à l'investisseur[6].
Mais, toutes ces garanties contractuelles si elles ne sont pas avalisées par le Parlement de l'Etat d'accueil, et assorties de garanties extérieures ne représentent rien, face à la souveraineté d'un État.
Cette limite nous a conduit a envisager une source extranationale de sécurité dans les transferts internationaux.
La clause de propriété industrielle et en particulier celle qui concerne l'épuisement des droits de propriété industrielle nous semble être à cet égard, porteuse de sécurité juridique pour l'investisseur.
Cette garantie est en quelque sorte conférée par l'organisation mondiale du commerce et les dispositions de l'accord ADPIC.
Il a semblé intéressant de mettre en parallèle des pratiques traditionnelles de sécurisation des investissements, essentiellement basées sur des négociations contractuelles dans le cadre de conventions bilatérales avec des perspectives ouvertes par l'accord ADPIC qui offre des garanties extérieures aux États et fondées sur le respect des droits de propriété intellectuelle incorporés dans les contrats de fournitures d'ensembles industriels ou les contrats produits en main à destination des PVD.
Un équilibre peut ainsi être recherché entre les intérêts de l'investisseur et ceux du pays hôte qui, idéalement, devraient apparaître en conjonction : Pour les pays d'accueil ce type d'accord est de nature à créer le climat de confiance indispensable pour favoriser les transferts de ressource et de technologie et contribuer ainsi à l'effort de développement des pays les plus pauvres pour les investisseurs il est important de s'assurer de la protection des droits de propriété industrielle transférés par les États de destination car ces droits sont souvent à l'origine d'un cercle vertueux de croissance.
La médiation ou conciliation est une procédure par laquelle un médiateur assiste les parties à un litige, à leur demande, afin de trouver une solution mutuellement satisfaisante.
Le médiateur n'a pas le pouvoir d'imposer un règlement aux parties.
La médiation respecte la volonté des parties qui restent libre l'une et l'autre d'abandonner la médiation à tout moment avant la signature de la transaction.
L'arbitrage est une procédure par laquelle un litige est soumis, en vertu d'une clause compromissoire, à un arbitre ou à un tribunal composé de plusieurs arbitres qui rend une décision obligatoire entre les parties en application d'un corps de règles déterminé et selon une procédure choisie.
Nous avions attiré l’attention sur des cas ayant fait l'objet d'un arbitrage.
Une étude menée sur l'évolution de la jurisprudence en matière d'arbitrage faisait ressortir en premier lieu que les sentences passent de l'application stricte de l'adage « PACTA SUNT SERVANDA » à un système de mutabilité contrôlée qui peut ne pas être pleinement satisfaisant pour les investisseurs.
Dans un second temps il était question des garanties publiques accordées par la France, non pas au plan du remboursement des pertes (Assurances COFACE et BFCE) mais, au plan diplomatique par le biais des accords de protection et d'encouragement des investissements. Ces accords ont pour but de fixer par la voie solennelle des conventions internationales pour une durée initiale et tacitement renouvelable, de l'ordre de 10 à 20 ans, les conditions de protection minimales dont bénéficiera l'investisseur.
Enfin, dans un troisième temps nous avions évoqué les garanties extérieures données aux investisseurs par des traités internationaux comme l'accord ADPIC ou des mécanismes d'arbitrages fondés sur le règlement de l'OMPI.
Ces dispositifs sont – ils réellement efficaces sans le support en terme d’imposition et de garanties de stabilité et d’intangibilité des investissements par les Etats d’accueils ?
Il reste donc des inconnues qui sont liés notamment aux errements de la diplomatie et de la politique autant qu’aux hommes qui peinent peut-être à accepter la souveraineté et les changements stratégiques des partenaires traditionnels.
Jacques-Louis COLOMBANI
Docteur en droit
AVOCAT
(1) - Dédicace : La présente étude est dédiée à la mémoire de mon père, à celle de N. VLACKAKIS, de mon défunt Maître le Pr J. - L. BISMUTH et à mes amis Serge OUEDRAOGO, Paul ASSAMOI, Massambou SYLLA, Désiré DOVONOU et aux membres de l'association AWALE.
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[1] https://www.impots.gouv.fr/sites/default/files/media/10_conventions/burkina-faso/burkina-faso_convention-avec-le-burkina-faso_fd_1802.pdf
[2] https://www.gisti.org/IMG/pdf/Accord_France-Burkina.pdf
[4] https://consultation.avocat.fr/blog/jacques-louis-colombani/article-22386-burkina-faso-pays-des-hommes-integres-lieu-de-creaction-d-activite-et-d-echanges-nord-sud.html
[5] https://www.sfdi.org/wp-content/uploads/2020/04/Weil-P.-Les-clauses-de-stabilisation-ou-dintangibilit%C3%A9-ins%C3%A9r%C3%A9es-dans-les-accords-de-d%C3%A9veloppement-%C3%A9conomique.pdf
[6] Pour une approche technique de la négociation d’un contrat à l’export : https://www.jlcolombaniavocats.eu/fr/investir-dans-les-pays-emergents--attention-aux-clauses-contractuelles---