Approche pratique des outils innovatifs de l’aménagement des territoires .
11/10/2022
Lorsqu'un maître d'ouvrage opte pour une SEE, il doit ainsi faire valider par un organisme tiers, impartial et indépendant des acteurs du projet, « que celle-ci respecte les objectifs généraux et permet d'atteindre des résultats au moins équivalents à ceux de la solution de référence à laquelle elle se substitue ». Ce dernier analyse alors la SEE et délivre son « attestation de respect des objectifs », via un formulaire électronique disponible sur le site « démarches-simplifiées.fr»
La solution d’effet équivalent remplace en effet dans le code le permis d’expérimenter.
Champ d’application
Ce dispositif[1] peut être mis en œuvre par tous les maîtres d’ouvrages des opérations de construction de bâtiments soumises à certaines conditions sur l’ensemble du territoire.
1°) l’approche « résultat » permet de déroger à certaines règles dans les domaines de la sécurité et de la protection contre l’incendie, de l’aération, de l’accessibilité du cadre bâti, de la performance et des caractéristiques énergétiques et environnementales, des caractéristiques acoustiques, de la construction à proximité des forêts, de la protection contre les insectes xylophages, de la prévention du risque sismique ou cyclonique, ainsi que des matériaux et de leur réemploi (liste des dispositions concernées précisée par le décret n° 2019-184 du 11 mars 2019).
La dérogation ne porte que sur les obligations de moyens prévues par ces règles (dérogation aux moyens prévus), mais pas sur les obligations de performances ou de résultats à atteindre, ni sur des règles imposées par le droit de l’Union Européenne.
2°) L’opération doit nécessairement concerner d’une part, une opération soumise à autorisation, qu’il s’agisse d’un permis de construire, d’un permis d’aménager, d’une déclaration préalable, ou d’une autorisation ERP voire d’une autorisation de travaux sur monuments historiques ; d’autre part, il doit être question d’une opération de construction de bâtiments ou travaux qui, par leur nature et leur ampleur, sont équivalents à une telle opération.
Condition de mise en place :
Le moyen utilisé doit présenter un caractère innovant, d’un point de vue technique ou architectural. Il faut noter qu’est réputé comme innovant tout moyen non pris en compte par les règles de construction en vigueur.
Le dossier de demande d’autorisation (Permis de construire, d’aménager, déclaration préalable) doit comporter une attestation d’effet équivalent, les étapes pratiques sont les suivantes :
- Le maître d’ouvrage constitue un dossier présentant le moyen qu’il entend utiliser et le protocole décrivant les modalités permettant de contrôler, au cours de l’exécution du projet, que le moyen mis en œuvre est conforme à celui décrit dans la présentation du projet de construction.
- Ce dossier est présenté à un organisme qui se prononce, en toute indépendance, sur la validité du moyen.
- Si l’organisme valide le moyen, il transmet au maître d’ouvrage un rapport d’analyse et une attestation d’effet équivalent qui doit ensuite être jointe au dossier de demande d’autorisation d’urbanisme.
En commentaire il sera observé que dans toute cette nouvelle codification qui « se cherche », il semble que ce serait aux services du préfet de se prononcer.
En effet l’Article R112-9 du code de la construction dispose que la demande de dérogation présentée en application de l'article L. 112-13 précise la ou les règles auxquelles il est demandé de déroger, les raisons invoquées au soutien de la demande de la dérogation et, s'il y a lieu, les mesures compensatoires proposées, telles que des aménagements ou des mesures techniques ou d'exploitation. En outre, le pétitionnaire justifie dans quelle mesure le projet sera de nature, au regard des objectifs poursuivis par la réglementation en cause, à atteindre le meilleur niveau de performance possible, que ce soit par sa conception ou par la mise en œuvre de matériaux et équipements performants.
Le préfet saisit pour avis :
- a) Les services d'incendie et de secours compétents pour les demandes de dérogation à la réglementation prévue par l'article L. 141-2 en matière de protection des personnes contre l'incendie ;
- b) La commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité pour les demandes de dérogation relatives à l'article L. 161-1 ;
Le centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, le cas échéant.
- c) En l'absence d'avis émis dans un délai de deux mois à compter de leur saisine, les organismes consultés sont réputés avoir rendu leur avis.
La décision du préfet est notifiée à l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire dans un délai de trois mois à compter de la réception du dossier de la demande de dérogation, transmis en application de l'article R. 423-13-1 du code de l'urbanisme. »
La seconde étape vise selon le législateur à « pérenniser et à généraliser cette possibilité d’expérimenter en l’intégrant au droit commun de la construction », l’esprit désormais serait ;
"d’offrir aux maîtres d’ouvrage la possibilité de plein droit de satisfaire à leurs obligations en matière de construction en apportant la preuve qu’ils parviennent, par les moyens qu’ils entendent mettre en œuvre, à des résultats équivalents à ceux découlant de l’application des normes de référence" (extrait du rapport de l’ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020),
et ainsi, de libérer le marché de l’innovation. »
Le permis d’innover est un dispositif dérogatoire mis en place par la loi du 7 juillet 2016 (Loi n°2016-925) relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine et codifié à l’article L.312- du code de l’urbanisme.
Le permis d’innover constitue une expérimentation prévue pour durer 7 ans à compter de la promulgation de la loi ELAN (23 novembre 2018).
Ce dispositif permet aux personnes publiques de passer outre les règles susceptibles d’entraver la réalisation de projets de construction, dès lors que les objectifs fixés par ces règles sont atteints.
Il offre à l’Etat et aux collectivités la possibilité d’autoriser les maîtres d’ouvrage au sein d’opérations d’intérêt national (OIN), de grandes opérations d’urbanisme (GOU) ou d’opérations de revitalisation des territoires (ORT) (ces deux dernières hypothèses ayant été introduites par la loi ELAN) à proposer également des solutions alternatives aux règles de construction, en plus des règles d’aménagement à condition de démontrer que ces alternatives permettent d’atteindre des résultats satisfaisants par rapport aux objectifs poursuivis par les règles auxquelles il est dérogé.
Champ d’application :
Il sera observé qu’il ne peut être utilisé que par les maitres d’ouvrages des constructions ou des aménagements situés dans le périmètre d’une opération d’intérêt national, d’une grande opération d’urbanisme ou d’une opération de revitalisation de territoire. Il permettrait ainsi de déroger à l’ensemble des règles de construction opposables au projet.
Conditions de mise en place :
En pratique, il sera pointé que les textes sont silencieux quant au moyen mis en œuvre.
Ce qui est certain c’est qu’il incombe néanmoins au maître d’ouvrage de démontrer que sont atteints des résultats satisfaisants au regard des objectifs poursuivis par les règles auxquelles il est dérogé.
La demande de dérogation doit prendre la forme d’une étude réalisée par le maitre d’ouvrage et permettant de vérifier l’atteinte de ces résultats. Cette étude doit démontrer que le moyen mis en œuvre permet d’atteindre des résultats équivalents à ceux qui seraient atteints si le maître d’ouvrage employait un des moyens prévus par les textes.
L’établissement public d’aménagement foncier et d’aménagement de l’Etat qui est territorialement compétent va rendre un avis sur l’étude ou à défaut le Préfet rendra l’avis positif ou négatif.
S’il est rendu un avis favorable alors il faut joindre l’étude et l’avis conforme à la demande de permis de construire ou à la déclaration préalable.
Le permis ou la décision de non opposition à la déclaration préalable tient lieu d’approbation des dérogations.
Il existe un appel à projet pour des démonstrateurs :
L'appel à projets Démonstrateurs industriels pour la ville durable (DIVD) s'adresse à des entreprises de métiers et de tailles divers : PME, start-up, grands groupes du BTP, du numérique, des transports, des services urbains, mais aussi universités, établissements publics...
https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/l17013_fiche_presentation_divd_a4_1_light.pdf
https://www.ecologie.gouv.fr/demonstrateurs-ville-durable
En matière de transformation de bureaux en logements, une expérimentation a eu lieu à Bordeaux.
S’agissant de déroger à proprement parler au PLU, le code ne laisse poindre que les principes suivants :
Article L152-3 Les règles et servitudes définies par un plan local d’urbanisme :
1° Peuvent faire l’objet d’adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes ;
2° Ne peuvent faire l’objet d’aucune autre dérogation que celles prévues par les dispositions de la présente sous-section.
Article L152-4 L’autorité compétente pour délivrer le permis de construire peut, par décision motivée, accorder des dérogations à une ou plusieurs règles du plan local d’urbanisme pour permettre :
1° La reconstruction de bâtiments détruits ou endommagés à la suite d’une catastrophe naturelle survenue depuis moins d’un an, lorsque les prescriptions imposées aux constructeurs en vue d’assurer la sécurité des biens et des personnes sont contraires à ces règles ;
2° La restauration ou la reconstruction d’immeubles protégés au titre de la législation sur les monuments historiques, lorsque les contraintes architecturales propres à ces immeubles sont contraires à ces règles ;
3° Des travaux nécessaires à l’accessibilité des personnes handicapées à un logement existant. L’autorité compétente recueille l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État et du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme, lorsqu’ils ne sont pas ceux qui délivrent le permis de construire.
Article L152-5 L’autorité compétente pour délivrer le permis de construire ou le permis d’aménager et prendre la décision sur une déclaration préalable peut, par décision motivée, dans des limites fixées par un décret en Conseil d’État, déroger aux règles des plans locaux d’urbanisme relatives à l’emprise au sol, à la hauteur, à l’implantation et à l’aspect extérieur des constructions afin d’autoriser
1° La mise en œuvre d’une isolation en saillie des façades des constructions existantes ;
2° La mise en œuvre d’une isolation par surélévation des toitures des constructions existantes ;
3° La mise en œuvre de dispositifs de protection contre le rayonnement solaire en saillie des façades. La décision motivée peut comporter des prescriptions destinées à assurer la bonne intégration architecturale.
Les objectifs poursuivis par ces dérogations sont divers : la protection de l'environnement (article L. 152-5-2), la lutte contre la consommation énergétique (article L. 152-5), la réalisation de logements, notamment sociaux (article L. 152-6), la lutte contre l'artificialisation des sols (article L. 152-6-2) ou encore la revitalisation de certaines zones du territoire (article L. 152-6-4).
La pratique pose des questions sur la nature des autorisations à obtenir (expresses ou tacites) et sur la manière de présenter les projets.
Le plus prudent semblerait de raisonner au cas par cas en partant d’un exemple précis.
La démarche serait la suivante :
1°) Définition du projet et des objectifs de « ville durable » qu’il porte ;
2°) Etude du PLU et définition des interdictions à lever pour construire
3°) Rédaction d’un argumentaire en fonction d’un « objectif à atteindre » par le promoteur assisté d’un bureau technique ou d’un « laboratoire »
4°) Demande de dérogation
Si l’idée est d’offrir aux maîtres d’ouvrages la possibilité de plein droit de satisfaire à leurs obligations en matière de construction en apportant la preuve qu’ils parviennent, par les moyens qu’ils entendent mettre en œuvre, à des résultats équivalents à ceux découlant de l’application des normes de référence" (extrait du rapport de l’ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020), et ainsi, de libérer le marché de l’innovation, on pourrait regretter que le champ d’application de ces textes soit très limité à des projets signalés par l’Etat et non tournés vers la mise en pratique des brevets et innovations portés d’une façon générale par les start up de la promotion immobilière.
Jacques – Louis COLOMBANI
[1] http://outil2amenagement.cerema.fr/le-permis-d-experimenter-pe-r925.html